La forêt couvre 59 % de la surface de la chaine pyrénéenne et représente à la fois une ressource naturelle renouvelable, des écosystèmes riches en biodiversité, des espaces touristiques et d’accueil du public particulièrement recherchés, une protection contre les phénomènes naturels (avalanches, chutes de blocs, crues, …) et un important réservoir naturel de CO2. Le relief, les expositions diverses, les influences climatiques atlantiques et méditerranéennes et la diversité des substrats géologiques entraînent des conditions de fertilité très variées (FORESPIR, Livre blanc des forêts pyrénéennes, 2007).
Depuis plusieurs décennies déjà, les forêts de montagne sont soumises à un processus important de changement provoqué par divers facteurs socio-économiques et environnementaux. Les facteurs climatiques, biologiques et sociaux dans lesquels les forêts auront à se développer restent encore largement incertains.
Au-delà des impacts potentiels des modifications climatiques sur les arbres et les forêts elles-mêmes il est important de prendre en compte les conséquences possibles sur les nombreuses fonctions que remplissent les forêts de montagne. En effet, les changements climatiques peuvent entraver de façon importante la multifonctionnalité des forêts pyrénéennes en causant des dépérissements dans les forêts de production ou de protection, des destructions d’espèces ou d'habitats remarquables, une détérioration du cadre paysager forestier…
Les principaux impacts du changement climatique relevés par l’Observatoire Pyrénéen de Changement Climatique sur ce milieu naturel sont les suivants :
Les suivis écologiques actuels montrent que les principaux moteurs du changement global (modification du climat et modification de l’usage des sols) ont une forte incidence sur la physionomie et la structure des forêts, ainsi que sur l’évolution de leur limite supérieure. Ils suggèrent également qu’il existe une variabilité importante dans les différents procesus existants et mettent en évidence le fait que les changements climatiques observés ne suivent pas toujours les modèles établis.(Garcia et al 2016).
On peut constater dans les Pyrénées un important procesus de revégétalisation caractérisé par l’avancée des strates buissonantes puis de la forêt.
Au cours des précédentes décennies, les changements de végétation ont contribué dans certains cas à l’homogénéisation du couvert végétal et dans d’autres cas à son hétérogénéisation.
L’homogénéisation a principalement lieu dans les forêts déjà existantes qui se densifient en l’absence d’exploitation forestière, alors que les procesus d’hétérogénéisation ont lieu particulièrement sur des terres abandonnées qui présentent des couverts très variés en fonction de la période au cours de laquelle ces terres ont cessé d’être exploitées, de la gestion mise en œuvre et des conditions naturelles (T. Lasanta y S. M. Vicente-Serrano, 2007).
La limite supérieure arborée et l’étage alpin en Europe évoluent actuellement vers des altitudes plus élevées. Dans le cas des arbres les déplacements vers des altitudes supérieures doivent être analysés avec précaution, puisqu’ils peuvent être liés à l’abandon des pâturages de haute montagne. L’absence d’activité pastorale permet la recolonisation par la végétation forestière de ces espaces abandonnés. Cela conduit à restaurer la limite supérieure naturelle arborée avant intervention humaine (jusqu’à 300 m plus haut que le niveau actuel).
Cependant, à altitude moyenne, la dynamique de remontée de la limite arborée n’est pas aussi rapide et a été caractérisée par une « densification » progressive tout au long du siècle passé, induite par l’abandon des pâturages mais aussi favorisée par le changement climatique (Camarero y Gutiérrez 2004 in Garcia et al 2016)
Depuis les années 90, on observe une augmentation de la productivité des forêts due en partie à l’évolution de trois facteurs climatiques : l'élévation des températures, l'augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l'air et les retombées azotées atmosphériques.
Cependant, les facteurs qui ont conduit à augmenter le volume de bois sur pied au cours du siècle dernier sont aussi ceux qui impacteront probablement le plus la croissance future des arbres et donc la production de bois.
La gestion est le principal levier d’adaptation de la forêt au changement climatique : en agissant sur la composition, la strucutre, la densité des peuplements forestiers, le gestionnaire sera en mesure d’accompagner les forêts dans leurs mutations futures en limitant par exemple la compétition entre les arbres (pour la ressource hydrique ou les nutriments du sol) ou en augmentant la capacité de résilience d’un peuplement.
Dans les régions montangneuses, la probabilité qu’un phénomène naturel se produise (influencé par la météorologie spécifique à ce milieu) est plus importante que dans n'importe quel autre milieu naturel. Les phénomènes naturels propres aux zones de montagne se déclenchent sous l'effet d'évènements climatiques extrèmes (précipitations de pluie ou de neige particulièrement intenses, cycles de gel/ dégel rapides, fortes chaleurs, etc.) et prennent naissance sur des versants surplombant des enjeux socio-économiques (habitats, infrastructures, voies de communication…).
La forêt pyrénéenne, omniprésente de 600 à 2000 mètres d’altitude, joue donc un rôle important de protection contre les phénomènes naturels que l’on retrouve sur le Massif (avalanches de neige, crues torrentielles, laves torrentielles, chutes de blocs et glissements de terrain).
La forêt est en mesure de limiter le déclenchement d'évènements climatiques extrêmes (fixation des sols par le système racinaire, fixation du manteau neigeux en zone de départ d’avalanche, limitation des ruissellements de surface, …) et/ou d’en réduire les impacts (freinage, canalisation ou arrêt de blocs rocheux en pente moyenne…). L’impact du changement climatique sur le rôle de protection des forêts nécessite donc d’intégrer deux approches : la dynamique naturelle des milieux forestiers et les risques biotiques et abiotiques pouvant affecter les milieux forestiers.
En effet, toutes les formations végétales et essences forestières ne « protègent » pas de la même façon contre les risques naturels. Le changement climatique peut ainsi influer sur la façon dont la couverture végétale va évoluer, mais peut également entraîner toute une série de facteurs ne dépendant pas de la dynamique naturelle de la végétation, conduisant à une altération du rôle de protection des forêts.
Ainsi, la façon dont ces versants sont gérés, et en particulier la végétation qui s’y trouve, peut influencer la capacité des forêts à maîtriser un aléa. L’échelle temporelle que suppose la gestion des milieux forestiers nécessite donc que les gestionnaires soient particulièrement vigilants et puissent disposer, dans un contexte où la demande socale vis-à-vis du rôle protecteur des forêts ne cesse de croître, d’outils optimaux de diagnostic, de gestion et de diffusion des connaissances.
Au debut des années 80, différents phénomènes biotiques (attaques d’agents pathogènes…) ou abiotiques (notamment climatiques…) ont conduit à une déterioration progressive de l’état de santé des forêts en Europe. Ces phénomènes ont suscité une préoccupation sociétale majeure et ont ainsi amené les forestiers à proposer des méthodes de suivi des écosystèmes forestiers. Ces suivis (intégrés dans un réseau européen structuré) permettent, chaque année, de faire le bilan de l’état sanitaire des arbres sur placettes fixes et de mettre en évidence des tendances régionalisées ou par essence.
Sur l’ensemble du massif pyrénéen, ce sont 168 placettes du réseau européen dont les données sont mobilisables (Rouyer et al, 2014) sur lesquelles on étudie le déficit foliaire, la décoloration foliaire, la mortalité des branches et la mortalité des arbres.
Les tendances montrent que plusieurs signes de dégradation commencent à être perceptibles : déficit foliaire et mortalité de branches dans la partie supérieure des houppiers (Goudet, 2015).
Ainsi, le deficit foliaire tend à augmenter notamment en zone méditérranéenne (Maaf e IGN, 2016) mais également en zone méditérranéo-pyrénéenne (Rouyer et al., 2014 et Goudet, 2015).
Les principaux facteurs explicatifs qui ressortent sont les variables d’alimentation en eau de l’année en cours mais également des deux années précédentes : précipitations et différence entre précipitations et évapotranspiration (Ferretti et al. 2014 dans Maaf-IGN, 2016). Ce qui confirme le rôle prépondérant du changement climatique et son impact supposé sur les écosystèmes forestiers à long terme si le régime des précipitations et des températures change.
Au-delà de la dégradation sanitaire des arbres, une amplification des tendances identifiées fait craindre une mortalité importante au sein de certaines essences moins adaptées à moyen et long terme et donc une modification des cortèges floristiques des écosystèmes avec « migration » des aires de distribution plus au Nord ou en altitude (Bertrand et al. 2011).
Il faut néanmoins compter avec la variabilité génétique des arbres qui est un atout important vis-à-vis du changement climatique. Enfin, l’action anthropique peut aider à anticiper les bouleversements attendus en adaptant d’ores et déjà la sylviculture et le choix des essences pour les interventions forestières des années à venir.
Pour qu’un incendie se déclare et se propage, deux facteurs sont nécessaires : une source d’ignition et du combustible (ce dernier devant présenter un certain volume, un certain niveau de continuité et une certaine teneur en eau).
Compte tenu des conditions climatiques propres aux milieux montagneux et à l’humidité des combustibles liée à ces conditions, les Pyrénées ne sont historiquement pas touchées par de grands incendies. Toutefois, l’augmentation des températures, l’accroissement du volume de combustible (conquête de la forêt sur les zones ouvertes) et l’augmentation de la fréquentation humaine dans les milieux forestiers peuvent modifier cet état de fait.
Ainsi, une « continentalisation » du climat du massif (voire une « méditerranéisation » de certains secteurs), conjuguée à une diminution de la couverture neigeuse et à une augmentation de la disponibilité et de la continuité en combustible (du fait principalement de la diminution de l’activité pastorale) est de nature à augmenter le risque d’occurrence et de propagation de grands incendies, qu’ils soient hivernaux ou estivaux selon les secteurs.
La gestion des milieux (forestiers et agro-pastoraux), la surveillance, la prévision des risques adaptée au contexte pyrénéen et le renforcement de la connaissance des risques par l’ensemble des acteurs pyrénéens sont des éléments essentiels pour éviter la survenue et la propagation de futurs grands incendies forestiers et s'assurer d’en limiter les impacts sur les milieux et les enjeux socio-économiques de nos territoires.
La forêt du massif pyrénéen a un lien étroit avec l’évolution de la société rurale de cette région et de nombreux enjeux socio-économiques sont ainsi étroitement liés à l’évolution des milieux naturels et des facteurs qui les conditionnent. Le changement climatique, en modifiant les températures, le régime des précipitations et de nombreux autre facteurs abiotiques, impacte l’évolution de ces milieux et en particulier les écosystèmes forestiers.
Structure, composition, santé, aire de répartition géographique, vulnérabilité à des phénomènes extérieurs (pathogènes, phénomènes climatiques, …),… sont autant d’effets (positifs ou négatifs) qu’il convient d’anticiper car ils conditionneront l’évolution du couvert végétal pyrénéen et pourraientt induire une modification importante de la multifonctionnalité de notre forêt de montagne.
La forêt et sa gestion se conçoivent à long terme. Les décisions prises aujourd’hui conditionneront nos forêts de demain. Afin d’augmenter la résilience des forêts pyrénéennes face aux effets négatifs du changement climatique, il convient donc :
Les acteurs pyrénéens, au premier rang desquels les propriétaires, les scientifiques, les gestionnaires et les pouvoirs publics, doivent donc œuvrer dès aujourd’hui pour que la forêt puisse évoluer dans les meilleures conditions possibles et ainsi s’adapter aux changements.
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